ALLONS AU CINEMA



Dans un pays où la culture est devenue une denrée rare, la projection d’une pièce de théâtre ou la sortie d’un film tunisien s’imposent comme un événement culturel à ne pas rater sous aucun prétexte et ce indépendamment de la qualité de l’œuvre proposée. Que dire alors lorsque l’œuvre à laquelle les spectateurs sont conviés est signée par un artiste accompli et confirmé ? “Thalathoun”, ou “Trente”, puisque c’est de ce film qu’on parle est l’événement cinématographique que le tout Tunis attendait et qui est projeté ces jours-ci dans différentes salles de la capital.





A en croire les commentaires des medias et les indiscrétions filtrées, l’œuvre en question est un véritable « Blockbuster » national (toute proportion gardée bien évidement). « Thalathoun » est le film tunisien qui a couté une somme colossale et qui a nécessité la participation de 211 comédiens et de plus de 500 figurants. Comme il s’agit d’un film d’époque, le réalisateur n’a pas lésiner sur les moyens pour recréer le plus fidèlement possible l’ambiance de la période durant laquelle se déroulaient les faits de son œuvre. Tout a été minutieusement préparé afin que la fiction soit le plus sincère possible. Rien ou presque n’a échappé à l’œil vigilante d’un réalisateur exigeant et souvent reconnu comme talentueux : costumes, décors, détails… Le résultat est que le film, quoi qu’on puisse dire, est sublime.

Le film est une véritable fresque qui retrace un pan de l’histoire de la Tunisie et plus précisément les années trente du siècle dernier. Il s’agit d’une période clé qui, réflexion faite, nous enseigne que l’histoire est un perpétuel recommencement. En effet, le film est présenté comme un hommage à une époque qui fut marquée par le renouvellement de la pensée libre et la lutte contre l’obscurantisme et la régression (comme quoi l’obscurantisme et la régression ont toujours été d’actualité et le sont encore).

Fadhel Jaziri, réalisateur et metteur en scène de « Thalathoun », nous projeté dans une décennie riche en événements, en rebondissements et en émotions. Une décennie qui a vu défiler des hommes et des femmes d’exception. Des esprits cultivés qui, dans la souffrance, le sacrifice, l’abnégation et même parfois dans le sang, ont réussit, ou presque, à marquer et à reformer la société tunisienne. Bref, que des noms et des figures emblématiques comme Tahar Haddad, Ali Douagi, Abou el Kacem Chebbi, M’hamed Ali Hammi, Zine El Abedine Snoussi, Habib Bourguiba (et j’en oublie)…

Rein qu’a lire les noms de ces fameux illustres, on devine immédiatement que Jaziri s’est attaqué avec son œuvre à une période de notre histoire qui est très complexe et point facile à cerner pleinement. C’est un véritable défi qu’il a entreprit et la question qui se pose : A-t-il réussit son pari ?


Difficile de dire jusqu’ou l’œuvre de Fadhel Jaziri a été réussie. Le film est beau et la trame est bien travaillée. Techniquement l’œuvre de Jaziri est une perle. Le directeur de la photo a fait un travail de joaillier. Les prises de vue frôlaient parfois la perfection. Sur le plan esthétique, le film de Jaziri est d’une qualité qui n’a rien à envier à ce qui se fait de mieux ailleurs en Europe et mêmes aux Etats Unis. Mais, cela n’empêche que, regrettablement, le film a été parsemé ici et là par quelque imperfections qui ne peuvent passer inaperçues.

Personnellement, bien que j’ai adoré le film, j’ai regretté le jeu des acteurs que j’ai trouvé léger et parfois superflu (une mention spéciale par contre pour l'acteur qui joua le rôle du Bey, il était magistral, et celui qui joua le mufti Belkhodja, authentique au point de paraitre touchant). Le casting à mon avis aurait pu être plus judicieux de la part d’un metteur en scène qui s’y connait en dramaturgie Enfin, je regrette que Fadhel Jaziri n’ait pu se libérer de sa formation d’homme de théâtre. Il y avait des moments ou l’on avait l’impression qu’on était entrain de regarder une pièce de théâtre filmée et non une œuvre cinématographique. Le va et vient inexplicable entre l’arabe littéraire et le dialecte tunisien dans les dialogues conférait une certaine lourdeur que le réalisateur aurait pu éviter au spectateur.

Sinon, ces désagréments n’enlèvent en rien à la beauté et à l’intérêt de la fiction signée par Fadhel Jaziri. Je vous recommande donc vivement d’aller voir ce film d’un esthétisme rare. Ça vous réconciliera probablement avec le cinéma tunisien et surtout avec les salles de cinéma tunisiennes.

1 commentaires:

Hayy a dit…

je suis d'accord, un film tres "beau" à voir, mais avoir un AbulKacem Chebbi qui prononce l'arabe littéraire comme un eleve du primaire ça gache un peu le plaisir.