Il y a des aberrations qui dépassent l’entendement humain. L’histoire, ou plutôt, la mésaventure, que je tiens à vous raconter aujourd’hui est de cette catégorie. L’héroïne, si on peut appeler la pauvre protagoniste de cette machination comme ça, est une fille que le sort a voulu qu’elle fasse ce jour l’une des expériences les plus mauvaises de sa vie. Nadia est une étudiante originaire d’une des villes côtières de la Tunisie. Je l’ai appelée Nadia, mais elle aurait pu s’appeler Samia, Fatma, Aicha ou que sais-je. Elle étudie la littérature française et comme la majorité de ses copains et copines elle a opté pour la colocation faute de place dans les foyers universitaires. Cette année là Nadia, avec deux autres étudiantes, a loué une petite maison près de la plage dans l’une des banlieues nord de Tunis.
Ce matin d’un pluvieux jour de février, Nadia se réveilla à l’heure habituelle. Elle prit son petit déjeuner, s’habillât et se dirigeât à la station du train pour se rendre à la Faculté.
Le train reliant la Marsa à Tunis était plein à craquer. Nadia ne voulant pas arriver en retard montât contre vents et marées. L’odeur était limite nauséabonde. Les gens se bousculaient et la loi de la promiscuité imposait son emprise sur tout le monde. Pour meubler l’attente et oublier la longueur du trajet, Nadia se mit à rêver de son avenir. Elle était profondément plongée dans ses projets lorsqu’une sensation désagréable secoua son corps fragile. Elle sentit des mains baladeuses effleuraient des parties intimes de son corps. Nadia ne crut pas ses « seins » au début, mais les attouchements se sont fait de plus en plus insistants. Cherchant à comprendre ce que lui arrivait ses yeux se posèrent sur son voisin, un type, la cinquantaine bien dépassée, qui sans gêne ni égard pour son age, la regardait droit dans les yeux avec une insolence indicible. Dans son abominable regard il y avait comme un défit et un ordre silencieux lui intimant à ce qu’elle subisse sans mots dire. Nadia, dans un sursaut de détresse et animée par une volonté farouche de défendre sa dignité, ramassa tout son courage et repoussa avec véhémence son agresseur. Elle voulut lui crier toute la hargne qui convulse son corps mais elle se contenta de lui assener un « echib we el3ib ». C’est à ce moment la que le coup de théâtre se produit. Les autres voyageurs, tous sans exception, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, se retournèrent vers la jeune fille pour lui faire la morale. On l’a traité de mal élevée, d’animal, de P… respectueuse. Personne de sa famille n’a échappé aux insultes, ni ses parents ni ses grands parents. Nadia ne voulu pas croire ce que ses oreilles entendaient comme immensités. Elle, l’étudiante en littérature française qui côtoie Aragon, Baudelaire, Rimbaud…, se trouva soudain en décalage profond avec ses propres concitoyens. Elle voulut se défendre, expliquer les choses. Mais on ne lui a pas laissé la chance de le faire. On lui a confisqué la parole, lui niant tout droit de prononcer un mot. Tous la condamnèrent et la messe était dite. Nadia était dans un désarroi profond. Elle se sentit plus meurtrie et plus affectée par les propos et la réaction des autres voyageurs que par les sévices de son agresseurs. Elle descendit du train ne sachant que faire ni quoi penser. Cette journée la marquera à vie elle restera à jamais gravée dans sa conscience.

4 commentaires:

Unknown a dit…

Stupéfiant!!!

Anonyme a dit…

Je suis une de tes habituelles lectrices mais cette fois-ci je vais intervenir anonymement car je vais témoigner en tant que victime de ce genre de comportements révoltants et inexcusables. Ton histoire m'a "dérangée" d’une part parce que je suis « francisante », moi aussi, donc on s’y reconnaît plus rapidement, et parce qu’elle m'a rappelé non une mais DES expériences semblables que j'ai subies !
La première fois, j’avais onze ou douze ans et je me rappelle très bien, j’étais avec ma sœur, à l’entrée du Ciné Jemil pour voir « 3asfour issta7 ». Il y avait grande foule et on était tous serrés les uns contre les autres. Un certain moment, j’ai senti derrière moi un contact bizarre, j’ai mis cela, au début, sur le compte de la bousculade et de la grande proximité qu’il y avait entre les uns et les autres, mais le geste a commencé à se préciser pour devenir insistant, je me suis retourné, et j’ai trouvé, moi aussi, un homme d’un certain âge… que faire ? J’ai essayé tant bien que mal, incrédule encore, de me pousser, d’échapper, impossible ! J’ai commencé à angoisser, à avoir des sueurs froides, je me suis retournée plusieurs fois le fusillant du regard pour qu’il arrête !! il le faisait pendant quelques secondes ensuite il retournait à la charge !! Et le pire !! Le pire de tout !! C’est qu’il t’est impossible de dire un mot ! J’étais paralysée !vous n’imaginer pas combien il est difficile pour un enfant de s’adresser à un homme si âgé, si grand, si impressionnant, pour l’accuser d’une voix frêle et lui demander d’arrêter ! La honte !! Devant tout le monde en plus et un sujet si tabou !!! C’est en étant plus âgée et avec du recul que j’ai pu analyser ma situation mais à ce moment là vous savez quel sentiment m’accablait, à part la colère et le désarroi? La culpabilité ! J’étais victime et je me sentais fautive !! Mais heureusement, j’ai été sauvée par ma sœur, âgée de quatre ans plus que moi, qui soudain s’est mise à crier « mais ça va pas non ? Enlève tes sales pattes !! » Elle ne le disait pas pour moi mais pour elle… car le sale pervers, rassuré par mon silence, a voulu s’essayer à ma sœur aussi !!! Ah oui !! Elle l’avait bien remis à sa place !! ça c’était le premier sauvetage. Le deuxième c’est que voyant que ma sœur a vécu la même chose, j’ai été plus à l’aise pour en discuter avec elle ce qui était une sorte de thérapie qui m’a permis de surmonter cette mauvaise expérience !
Mais cette expérience m’a servie. Car quand cela s’est renouvelé, deux ou trois autres fois, dans le bus, (eh ! oui ! à croire que tous les tunisiens sont pervers) quand j’allais au lycée et ensuite à la fac, je peux vous dire qu’à la première seconde je leur explosais à la figure (n’marmid bih il 9a3) et c’est moi heureusement qui réussissait à les faire descendre du bus et non pas le contraire !!! Et contrairement à ton histoire, les gens me soutenaient ou se taisaient mais jamais ils n’ont remis en doute mes accusations. On va dire que j’ai eu de la chance !!! ;) Quelle chance hein !!
Voilà, désolée d’avoir rempli la page mais je voulais vraiment que les gens prennent conscience que ton histoire n’est pas une fiction et que c’est la pure réalité. D’ailleurs, je peux vous dire qu’il n’y a pas une fille qui n’a pas subi cela (à différentes échelles) au moins une fois dans sa vie !!!
Donc les filles n’ayez pas honte et réagissez !!
Merci et à la prochaine !!
PS : quant à toi Takkou bravo pour le choix des sujets et bravo pour le style !
Une fidèle lectrice

Takkou a dit…

Chère fidèle lectrice, je suis vraiment touché par ton temoignage. L'histoire que j'ai raconté n'est pas une fiction. C'est une réalité. Elle m'a été racontée par ma soeur qui été dans le meme wagon. Ma soeur a essayé de reconforter la fille apres la reaction des autres gens mais la malheureuse etait dans un etat piteux. Enfin, je voudrais te demander une faveur. Me permetrais tu de reprendre ton temoignage pour le publier dans la page d'accueil de mon blog. Je te serais reconnaissant en cas de reponse positive. Merci encore une fois de plus.

Anonyme a dit…

Si c'est pour aider il n'y a aucun problème au contraire... c'était le but de mon témoignage d'ailleurs!