La vie est un long fleuve tranquille...


Il se faisait de lui-même une image hautement irréprochable et parfaite. Celle d’un jeune homme dynamique, séduisant et respecté qui a réussi et continu à réussir tout ce qu’il entreprend dans sa vie. Des études brillantes sanctionnées par un diplôme dans une discipline fortement recherchée. Une femme belle, instruite et douce. Trois enfants adorables, beaux et intelligents. Une voiture de rêve. Une belle maison dans un quartier chic et une autre de villégiature dans une station balnéaire très cotée. Un poste envié par ses pairs. Grace à son professionnalisme et à sa capacité de mener d’une main de fer une équipe d’employés, il a très rapidement gravi tous les échelons pour intégrer la direction de la boite dans laquelle il travaille depuis déjà quinze ans. Bref, il a tout pour être satisfait et se sentir membre à part entière du gotha et des privilégiés de ce pays.

La vie devait être toute rose pour lui, gâté, choyé et comblé qu’il était. Et pourtant un beau jour, en se mirant devant le miroir, il eu une sensation bizarre. Il venait tout juste de passer le cap de la quarantaine. Inconsciemment et involontairement il se sentit emporté par un besoin impérieux de dresser un bilan, de se soumettre à une sorte d’examen de conscience. Pendant un lapse de temps indéfini il a vu toute sa vie défiler devant lui. Son passé, lointain et proche, et son présent.

Sa vie a toujours été un long fleuve tranquille. 12 ans de vie matrimoniale calmes et sereins. Pas de crises, pas de problèmes, pas de soubresauts et encore moins d’anomalies significatives. Dans sa paisible existence il n’y a jamais eu des tentations excentriques, ni d’épisodes pimentés ni encore moins des écarts de conduites éthiquement répressibles. Non rien de tout cela. Pendant quarante années entières, il ne fit jamais des rencontres excitantes, ni d’aventures sulfureuses et encore moins des histoires libertines. Il aurait aimé faire des petites virées « innocentes ». Des rencontres chaudes et passagères, sans compromis ni lendemain. Des frasques légères, question de recharger les piles et repartir pour un nouveau tour. Mais rien. Rien de tout cela n’a eu lieu. Ni dans la réalité ni dans le virtuel. Sa vie a été minutieusement tracée, ennuyeusement linéaire et strictement ordonnée, tel un métronome dont le mécanisme a été bien huilé. Il n’avait expérimenté ni surprises ni imprévus. Que des faits préalablement établis, longuement réfléchis et studieusement programmés.

Et pourtant, au fin fond de son intérieur, dans les abysses profonds de son intimité, il a toujours désiré vivre des moments épicés. Il a toujours eu cette insondable conviction que lui aussi expérimentera les charmes discrets des plaisirs charnels interdits et les tentations les plus extravagantes. Il a toujours pensé qu’un jour il lui arrivera de se laisser tenté par quelques vices et quelques excès sans pour autant en devenir un accros. Il a toujours pensé que ce genre de sensations, excitantes et répréhensibles à la fois, étaient des choses courantes et une étape normale dans la vie de tout homme, la sienne inclue. Il se disait qu’il pouvait s’arranger avec sa femme pour les expérimenter à deux ou, à défaut, de s’autoriser, discrètement bien entendu, quelques écarts lorsque l’occasion se présentera.

Malheureusement, cette occasion mille fois rêvée, maintes fois caressée et ardemment désirée ne s’est jamais présentée. Dans les douze ans de vie commune avec sa femme, il n’y a eu jamais des possibilités de s’adonner à des jeux pervers, ni à des délires incontrôlés ou à des folies notoires. Ils avaient des rapports sages et sains régis par des règles morales bien définies. A peine arrivait-il à lui arracher un soupire d’excitation de temps en temps. Il lui faisait l’amour deux fois par semaines. Au début par passion. Ensuite par besoin. Et enfin par habitude. Ça se passait toujours dans la même position. Dans le meme lit. Dans la meme chambre. Dans la même pénombre.

Toutes ces images défilèrent devant ces yeux dans un flux à haut débit. Soudain il sentit une grande misère l’envahir. Une sensation de manque. Une impression d’avoir vécu une vie insipide et d’avoir raté quelque chose. Il devint conscient du temps qui a passé et qui passe encore en dépit de sa volonté et de son envie. 40 ans déjà. Quatre décennies entières durant lesquelles il n’a vu que du feu.

C’est dans ces circonstances de grands troubles psychiques qu’il se rappela d’un ami d’enfance. Un ami qui traine derrière lui une réputation de célibataire endurci. Un bourreau de cœur qui collectionne les conquêtes féminines comme on collectionne les timbres ou les voitures de luxe (c’est selon les moyens et les gouts). Un ami qui se vante de coucher chaque nuit, que le bon dieu fait, avec une nouvelle proie. Un rituel quotidiennement renouvelé, machinalement perpétué et accessoirement immortalisé sur des supports magnétiques qui sert à flatter les performances devant les autres.

Inconsciemment sa main se tendit vers le portable. Il composa un numéro et rendez-vous fut pris. L’ami avisa longuement son copain des aléas de sa façon de vivre. L’avertit des conséquences d’une telle décision mais ne lésina pas trop sur les avertissements sachant qu’il tenait devant lui une opportunité qui offre des avantages « infrastructuraux » et financiers qu’on ne peut décliner d’un revers de la main.

Le pacte fut scellé. Notre héro commença sa nouvelle vie. Commencèrent les plaisirs, les délices et les ivresses. Mais, malheureusement commençât aussi une longue descente aux enfers, un saut dans les abymes …

3 commentaires:

psynaj a dit…

en somme, l'être humain n'est jamais satisfait!:)

Anonyme a dit…

La fameuse crise masculine de la quarantaine ? C'est aussi féminin je crois. Je compare souvent mon mariage à une autoroute, celle du bonheur, mais une autoroute quand même ! Par chance, je me suis mariée tard :-)

Anonyme a dit…

le démon de midi .. tout simplement .